Employabilité des seniors : « Préserver l’emploi des 50+, c’est préserver un patrimoine humain indispensable. »
Pourquoi l’employabilité des seniors doit-elle devenir un enjeu RH central ?
Chez METRO France, nous ne parlons plus de “seniors”, mais plutôt de collaborateurs expérimentés ou de 50+. C’est une nuance importante, car elle permet de sortir d’une vision réductrice ou stigmatisante de cette population.
Nous considérons qu’il s’agit d’un enjeu de performance et d’innovation. L’âge reste aujourd’hui la première forme de discrimination à l’embauche, alors même que les 50+ souhaitent poursuivre leur vie professionnelle et qu’ils représentent une richesse dont aucune entreprise ne peut se priver.
Dans dix ans, un actif sur deux aura plus de 45 ans. Il est donc vital d’anticiper les transformations du marché du travail, de renforcer la performance collective et de capitaliser sur l’expérience accumulée. Pour nous, ne pas mobiliser les 50+ serait un non-sens économique et un angle mort social.
Vous pilotez, entre autres, l’innovation sociale chez METRO France. Comment cette dimension se traduit-elle concrètement dans vos actions en faveur de l’employabilité des seniors ?
Nous avançons en gardant à l’esprit qu’il n’existe pas de solution unique. Nous avons commencé par un diagnostic approfondi, co-construit avec nos partenaires sociaux. Leur implication est un prérequis. Nous avons travaillé sur les représentations liées à l’âge, revisité l’histoire sociale des dernières décennies et fait intervenir des experts pour installer une base de connaissances solide.
Nous nous sommes également engagés publiquement en signant la Charte 50+.
L’innovation sociale se concrétise enfin par un accompagnement élargi, qu’il s’agisse d’actions de prévention, du soutien apporté aux collaborateurs aidants ou de la prise en compte des vulnérabilités économiques et financières. Notre ambition est d’adopter une approche globale et inclusive, couvrant l’ensemble du cycle RH : recrutement, formation, mobilité, santé et QVCT.
Quels dispositifs avez-vous déployés pour soutenir la montée en compétences, la mobilité interne et le maintien dans l’emploi des collaborateurs seniors ?
Nous souhaitions sortir d’une vision figée qui associerait l’âge à la fin de carrière. À 45 ou 50 ans, il reste parfois 20 ans de vie professionnelle. Nous devons donc offrir les mêmes opportunités à toutes et tous, quel que soit l’âge.
La mobilité interne occupe chez METRO France une place centrale : plus de 40 % de nos postes sont pourvus en interne par des collaborateurs déjà en poste, et nous visons un poste sur deux. Pour accélérer cette dynamique, nous sommes passés d’une logique centrée sur les métiers à une Skills-based Organization, centrée sur les compétences.
Ce changement structurel s’appuie sur un accord GEPPMM (gestion des emplois, des parcours professionnels et de la mixité des métiers), négocié avec nos partenaires sociaux, qui renforce encore notre investissement dans le développement des compétences.
Nous soutenons également la mobilité des 50+, en valorisant leur expérience et en facilitant leur accès à la formation, à la reconversion interne ou à l’évolution professionnelle.
La santé des femmes en fin de carrière reste encore trop peu mise en lumière. Comment, chez METRO France, prenez-vous en compte des réalités telles que la ménopause pour mieux accompagner les collaboratrices concernées ?
Inutile de le nier, la ménopause reste un sujet tabou, alors qu’elle concerne directement une large part des collaboratrices. Nous avons souhaité aborder ce sujet avec sérieux, respect et transparence.
Dans la continuité du congé gynécologique instauré pour les règles incapacitantes ou l’endométriose, nous avons étendu ce dispositif à la ménopause, en accordant des jours de congés rémunérés aux collaboratrices concernées.
Nous ne voulions toutefois pas en rester à une approche médicale. L’enjeu est aussi de libérer la parole, après avoir libéré l’écoute. C’est pourquoi nous intégrons ces sujets dans notre politique de diversité et d’inclusion, et les abordons avec l’ensemble du corps social, hommes compris, afin d’éviter toute forme d’exclusion.
Nous avons également mis à disposition des protections périodiques 100 % bio et gratuites, via des modules dédiés sur nos sites. Ce dispositif, fondé sur la confiance et la responsabilité collective, a profondément changé la perception de ces sujets dans l’entreprise.
La cohésion repose aussi sur le dialogue entre générations. Comment encouragez-vous la transmission des savoirs entre profils juniors et expérimentés au quotidien ?
La clé, c’est d’abord l’écoute active et la valorisation des compétences de chacun. Une organisation centrée sur les compétences favorise naturellement la transmission. Nous travaillons beaucoup sur le storytelling interne, en valorisant les parcours inspirants : 25, 30, 40 ou même 45 ans d’ancienneté. Ce sont de véritables modèles pour les plus jeunes.
La reconnaissance doit aussi être nourrie tout au long de la carrière. Il s’agit d’honorer les parcours tant qu’ils s’écrivent encore.
Enfin, nous avons formé nos managers à la gestion de l’intergénérationnel. Gérer un alternant de 22 ans et une collaboratrice de 56 ans requiert des approches très différentes. Notre rôle est de leur fournir les outils pour accompagner cette diversité.
L’IA et les outils digitaux bouleversent les métiers du retail. Comment accompagnez-vous les collaborateurs les plus expérimentés dans cette transformation ?
Contrairement aux idées reçues, les 50+ font preuve d’une agilité remarquable. Ils ont connu le fax, le Minitel, Internet, puis les IA génératives. Ils ont déjà traversé plusieurs révolutions technologiques et ne sont pas plus en difficulté que les plus jeunes, parfois même moins.
Nous veillons néanmoins à accompagner l’ensemble des collaborateurs avec :
- de la formation et des mises en pratique ;
- des pastilles vidéo très concrètes sur l’usage de Copilot ou d’autres outils métiers ;
- un réseau d’ambassadeurs IA de tous âges ;
- le soutien de notre laboratoire d’innovation, qui vulgarise et facilite l’appropriation de ces technologies.
Notre approche repose sur le principe de rendre l’IA utile au quotidien plutôt que théorique.
Si vous deviez résumer la philosophie de METRO France en matière d'employabilité des seniors, quelle serait-elle ?
Je dirais que préserver l’emploi des 50+, c’est préserver un patrimoine humain. Ce sont eux qui transmettent, stabilisent, structurent. Penser qu’ils ne sauraient plus faire est une erreur. Ils ont prouvé qu’ils savent s’adapter, anticiper et faire évoluer les organisations.
Une entreprise qui ne s’appuie pas sur ses 50+ est une entreprise myope, car elle se prive d’une mémoire, d’un capital et d’une source d’innovation. Nous sommes convaincus que l’emploi des 50+ est un atout de performance sociale, durable et économique.
L’une ne va pas sans l’autre : il n’y a pas de performance sociale sans performance économique, et une performance économique qui n’engendre pas de performance sociale est déséquilibrée. Chez METRO France, ces deux dynamiques avancent de concert.
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Table rondeSalle Étincelle25 min
- RH, Travail & Société
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